Tout comme le monstre sacré de l’horreur autour duquel elles gravitent, les œuvres autour du zombie n’en finissent pas de toujours reparaître.
Parfois métaphore de notre condition citoyenne dans des sociétés capitalistes poussant à la consommation perpétuelle, plus souvent test de notre humanité face à des situations apocalyptiques ou simple divertissement macabre, le zombie connaît de nombreuses déclinaisons.
De la célèbre franchise Resident Evil jusqu’aux adaptations télévisuelles comme The Walking Dead, leur popularité ne se dément pas et il y avait bien un peu de place à leur concéder dans le petit monde des livres-jeux !
Dans ce « livre dont vous êtes le zombie » Max Brallier nous propose une aventure avec plus de 50 fins se déroulant à tout berzingues. De quoi assouvir notre soif de chairs putréfiées ?Prenez tout ce qui vous tombe sous la main pour vous défendre, ami Lecteur, attrapez ce livre de références et traversons ensemble les rues (bien trop) encombrées de Manhattan.
La survie à tout prix
Le ton semble rapidement donné lorsqu’on nous dépeint notre personnage comme l’employé moyen, vivant au rythme lénifiant du métro-boulot-dodo, accomplissant sa portion nécessaire de travail par jour avant de se coller devant une série le soir.
Et de pester contre ces réunions inutiles au travail, sans même avoir pu remplir son ventre de délicieux Krumpy Kremes !
La quatrième de couverture annonce une aventure à 100 à l’heure et dès le premier paragraphe, l’invasion zombie démarre. Une timide secrétaire de direction interrompt la réunion en mettant les infos sur la télé antique, la panique se répand dans les rues de Manhattan à une vitesse foudroyante, la présentatrice étant rapidement dévorée en direct.
Tout le monde se lève, pousse les autres, court en lançant des appels vers les proches et vous faites bien évidemment de même, avec trois premiers choix : rejoindre le métro, appeler un taxi pour essayer de quitter la ville ou – plus étonnant ? – se rendre rapidement dans votre appartement.
Il ne faudra pas s’habituer à « autant » d’options car avec 112 paragraphes, allant du tiers-page jusqu’à la demi-douzaine de pages, le rythme est en effet intense.
Fidèle à ses promesses, le livre comporte en effet 50 fins différentes, ce qui représente (comme vous l’aurez deviné avec votre sens du calcul inné, ami Lecteur) pas loin d’un paragraphe sur deux.
C’est là un des intérêts principaux de l’ouvrage, le contexte étant ô combien riche en possibilités de décéder !
Alors que certains LDVELH se vantent d’offrir X fins possibles sans qu’elles se montrent vraiment substantielles, l’auteur réussit son pari en nous prodiguant un kaléidoscope de destins plus ou moins sanglants.
Cela tourne parfois au simulateur de trépas à la Space Quest, série où il était hautement amusant de découvrir les différentes manières dont le héros, guère doué, pouvait avaler son extrait de naissance.
Pour profiter un maximum de Zombie Survival, il faut donc oublier les réflexes dans les livre-jeux classiques et s’abandonner pleinement à la Horde.
De fait, le tome est truffé de décisions manifestement épouvantables, comme se claquemurer dans une cabine de WC, alors que le bar dans lequel vous vous trouvez est pris d’assaut par les habituels suspects putréfiés…
Parfois, après avoir opté pour un choix raisonnable, ce sont les circonstances et éventuellement le manque de jugeotte de notre protagoniste qui le verra dire adieu à la vie- par exemple, lorsque vous vous réfugiez dans un frigo – ce qui est déjà une idée discutable – en oubliant qu’il ne peut s’ouvrir que de l’extérieur.
Une belle surprise glacée pour les nettoyeurs, 3 ans plus tard !
Plusieurs embranchements ne mènent qu’à des saveurs macabres différentes, comme finir écrasé par un rouleau-compresseur (avec une description étape par étape) ou en bouchon mort-vivant de canalisation d’égouts, après avoir joué avec de la dynamite.
Vous aurez même le droit à des fins « non-standard », à l’instar de la section où l’auteur vous invite à brûler le livre, que vous ne méritez apparemment pas. La raison ?
Une fois de retour dans la maison de vos parents, vous avez refusé d’inviter une amie d’enfance (ultra-sexy et pour laquelle votre personnage a le béguin depuis 20 ans) à rester avec vous !
Heureusement, vous trouverez plusieurs fins où votre survie sera assurée, que la chance y prenne une grande part ou non.
Le point fort de Brallier est qu’à la lecture, nous ne sommes pas pris par l’impression d’être englué dans des redites ou des itérations sans inspiration pour remplir ce quota des 50 fins.
Le remplissage est au minimum et je ne citerai guère qu’un final où vous servez de cobaye à l’armée pendant plus d’un mois…
Après quoi vous êtes relâché sans vraiment savoir ce qui va vous arriver, ou quel était le but de ces expériences !
Vous en reprendrez bien une petite tranche ?
L’autre intérêt principal est l’ambiance qui se dégage du livre, teintée d’humour ou de sarcasme.
Cela va des titres (« La galanterie n’est pas morte. Vous, par contre… ») jusqu’aux descriptions et réactions de notre héros, lequel songe à la crise cardiaque que ferait sa mère en le voyant conduire une moto sans casque, tranchant délicieusement à la situation d’urgence dans laquelle il se trouve alors.
Les références ne manqueront pas non plus (il y a un certain Romero pouvant commander aux zombies dans un langage obscur…), un des plus grands moments survenant lorsque vous rencontrez, grosse coïncidence, les participants à une Marche des Zombies !
Tartinage de viande et discussion sur les types de créatures mort-vivantes au programme. Survie en option.
Ne croyez pas pour autant qu’il s’agisse purement d’une comédie ou d’une tentative à la Shaun of the Dead.
L’auteur n’est pas avare de détails dans les morts dépeintes, que ce soit les vôtres ou celles de personnages autour de vous. Les fins ne sont pas en reste, car vous pouvez certes mourir stupidement à cause d’une ancienne voisine ne vous ayant pas reconnu, votre dernière pensée allant au chien qui a bien grandi dans l’intervalle…
Ou finir réfugié dans une petite chambre avec une autre personne, qui vous a coupé un bras au couteau de boucher, alors que vous l’avez amputée auparavant d’un bras à la tronçonneuse, dans les deux cas pour éviter l’infection, bien entendu.
Et sans perdre de temps, car la transformation peut ici intervenir en moins d’une minute !
Il y a donc autant de quoi faire sourire que de donner des frissons, soyez-en prévenus.
Le tout se passe dans un système sans la moindre règle, pas de feuille d’aventure, de jets de dés ou quoi que ce soit dans le genre : praticité maximale.
Cela pourra en décontenancer plus d’un, néanmoins, au vu des souhaits de l’auteur concernant une aventure rapide à vivre, c’est tout à fait compréhensible. Une structuration avec autant de paragraphes de fin d’aventure ne fonctionnerait pas si l’on devait y ajouter un gameplay classique de LDVELH !
Zombie Survival ne conviendra pas à ceux cherchant une expérience de lecture « construite » dans laquelle s’immerger à corps perdu.
Il parlera bien plus à ceux désirant passer deux ou trois heures à explorer les possibilités de survie et de décès dans un Manhattan ne faisant pas toujours sens, entre scènes sanglantes et/ou prises sur un ton léger.
Même si l’on incarne un américain moyen, certains choix sont franchement idiots et il faut en prendre son parti pour apprécier l’ouvrage de Max Brallier.
Un moment de détente sans prétention pour les amateurs du genre, entre deux lectures plus « classiques » !