Buenos dias, amigo Lector !

Aujourd’hui, nous embarquons pour une odyssée pleine de promesses.

La quatrième de couverture nous informe en effet qu’il s’agit là d’un récit au rythme rapide, addictif, combinant en une histoire interactive le meilleur des romans de fantasy, des jeux vidéo et des jeux de rôle, rien de moins !

C’est aussi apparemment un livre-jeu pour adultes et le señor Velasco, heureux de son succès, n’hésite pas à rappeler que ses romans de fantasy sont des best-seller dans son pays et que Heroes of Urowen a même fini, une année, dans le top 20 des ventes d’une grande librairie spécialisée de Barcelone (au sein de grands noms comme Martin, Sanderson…).

Et, évidemment, « chacune de nos actions et nos décisions importantes vont modeler notre futur ».

Trop beau pour être vrai ? Afin de nous assurer, prenez ce couteau émoussé, vos maigres deniers, remplissez cette fiche d’état-civil fantasy et enquêtons ensemble en Urowen, ami Lecteur.Attention à ne pas mettre trop les pieds en-dehors des rails !

Il est temps de chercher un sens à ta vie, mon fils

C’est en essence ce que vous raconte votre paternel, quelle que soit la classe choisie au début de l’aventure : pour celles profanes, votre géniteur ne veut pas que vous restiez engoncé dans une vie passée à produire juste ce qu’il faut pour survivre, pour celles utilisant la magie, votre maître n’a plus rien à vous apprendre.

Il est donc l’heure de plier bagage et d’aller de par le vaste monde en quête de nouvelles expériences !

La vie elle-même et toutes les rencontres offertes par le voyage, n’est- pas là le meilleur des mentors ?

Avec une telle accroche (ainsi qu’une création de personnage permettant de choisir notre race, notre royaume d’origine et notre carrière) et les annonces de la quatrième de couverture, on pourrait croire que l’auteur va nous proposer une approche assez libre pour explorer Urowen, le monde décrit dans une de ses trilogies non-interactives.

Je vous avouerai que je m’attendais même à une expérience dans la veine de Fabled Lands.

Autant le préciser sans attendre : il n’en est rien. Si vous avez bien une poignée de choix au début, ce sont plus des occasions de rater des opportunités intéressantes, avant qu’encore et toujours Velasco ne vous ramène sur l’histoire concoctée par ses soins.

Celle-ci est un moyen pour vous insérer dans la guerre entre deux royaumes ennemis, après avoir ramené un message important à un haut gradé militaire du pays de Verinfes.

Reconnu pour vos talents après avoir réalisé quelques quêtes dans la première ville-hub dans laquelle vous vous rendrez, le militaire en question vous choisira pour mener une mission d’une importance extrême par rapport au conflit en cours, peut-être même trop importante pour quelqu’un sorti de nulle part.

Vous refusez de suivre les soldats désirant vous amener à lui ? Vous devez les combattre.

Vous gagnez ? Vous êtes submergé par les gardes et êtes quand même escorté vers lui.

Vous rejetez sa proposition ? Vous pourrirez dans les geôles de Verinfes jusqu’à la fin de vos jours !

Vous n’avez donc d’autre choix que d’accepter et ne pensez même pas à retourner à votre veste, il le saurait ; le texte n’en donne nullement la possibilité de toute manière alors que votre personnage aurait toutes les raisons du monde de vouloir décrocher après un aussi mauvais traitement (ce qui aurait pu mener à un intéressant double-jeu, et des embranchements).

Il n’y a pas de raison primordiale pour laquelle seul VOUS seriez habilité à remplir une telle mission et que ce ponte de l’armée soit aussi implacable dans son recrutement.

Pour une personne se décrivant comme un Maître de Jeu expérimenté, c’est une méthode très artificielle d’inclure le joueur dans le scénario.

Ce dernier, heureusement, connait un rebondissement intéressant durant le voyage jusqu’au reinaume des amazones où vous devrez remplir vos obligations, même si là, alors même que vous devez jouer les espions, le travail est déjà mâché pour vous.

Ensuite, une dernière partie avec une vraie variance, et selon l’auteur, une vingtaine de fins.

Mais avant d’y revenir, examinons le gros morceau apporté par ce tome : son système de règles.

« La vie de chaque héros peut devenir une légende, et le rendre immortel »

Tout commence bien entendu par la création de votre héros, qui est défini par quatre caractéristiques :

  • La Force.
  • L’Habileté.
  • La Magie.
  • La Perception.

Les trois premières influent uniquement sur vos jets d’attaque, comme nous allons le voir rapidement. La Perception, elle, est utilisée pour des tests : vous lancez un D6, vous rajouter votre valeur de Perception, si vous atteignez le seuil défini par le texte, c’est dans la poche.

Une bonne Perception est importante, car elle permet de dégoter des objets supplémentaires et de mieux se préparer face à certains dangers.

Dans tous les cas, durant cette phase de genèse, aucun des trois premiers attributs ne peut dépasser 1, le maximum étant de 6.

Vient ensuit le choix de votre race, parmi des options ô combien classiques : elfes (deux ethnies : elfes sylvains ou elfes des neiges), nains, humains (trois royaumes possibles : Verinfes, Flitzgard ou Berwald).

Selon la race et l’ethnie/le royaume, vous allez obtenir votre premier point dans l’une des trois caractéristiques martiales.

A l’instar d’un jeu vidéo ou d’un jeu de rôle, outre un côté roleplay, cela sert surtout à aller dans le sens d’un archétype. La facette RP vous incombera d’ailleurs dans son entièreté, car jamais le texte n’aura de mention spécifique ou de paragraphe dédié selon que vous soyez un elfe, un nain ou un humain : une grande occasion manquée.

Vient ensuite la décision concernant votre métier, parmi sept choix : guerrier, chasseur, sorcier, alchimiste, ménestrel, voleur et moine-chevalier Sàgrast. Assez logiquement, chacun d’entre vous gratifie d’un point dans son attribut majeur (magie pour le sorcier, par exemple) sachant que vous ne pouvez commencer la partie avec 2 points, le cas échéant, le point supplémentaire devra aller dans une autre catégorie.

Pratiquement, cela sera presque forcément la Perception puisque vous n’aurez quasiment aucun intérêt à développer autre chose que la Perception et votre attribut principal.

En sus, tous les métiers sont livrés avec une capacité spéciale : ainsi le sorcier transforme en 3 tous les 1 obtenus en lançant son jet de combat, le guerrier inflige 2 points de dégâts supplémentaires s’il tire un 6, le voleur peut transporter sept objets au lieu de six et trouvera opportunément de l’équipement supplémentaire etc.

Quelques rares sections du livre font mention de votre occupation, néanmoins, ce sera pour vous fournir un objet spécifique (comme un anneau vous permettant de vous adonner au pugilat magique) et pas une opportunité spéciale.

Votre personnage dispose également de points de vie, 20 au début, lesquels ont la particularité d’être complètement restaurés après la fin de chaque affrontement, sauf mention contraire du texte.

Une concession nécessaire, reprise de la sphère vidéoludique, car pour apprécier Heroes of Urowen, il faut aimer abondamment lancer les dés : si vous suivez la progression optimale (plus ou moins obligatoire, on y reviendra) vous en serez quitte pour une solide cinquantaine de combats !

Parlons justement de la manière dont se déroulent les hostilités dans ce LDVELH.

En son noyau, il s’agit d’une variation plus évoluée des règles présentes dans les Défis Fantastiques, sauf qu’au lieu d’avoir une unique valeur utilisée pour tout le monde, on utilise soit la Magie, la Force ou l’Habileté, selon l’attribut lié à l’arme employée.

Vous pourriez ainsi vous retrouver à employer votre Habileté pour manier une épée, contre un ruffian armé d’une hache, qui va mobiliser sa Force.

Au bout du compte, cela ne change pas grand-chose : vous lancez un D6 pour vous et votre adversaire, vous ajoutez le score idoine, celui qui obtient le plus haut résultat remporte l’assaut.

Le calcul des dommages implique de déterminer la zone touchée chez la victime, en lançant 1D6 :

Pour une éventuelle modification des dégâts, avant de calculer les blessures causées par l’arme employée (ou le sort), en lançant un nouveau D6 accompagné d’un modificateur.

On retranche ensuite toute possible protection sur cette zone du corps avant de finalement obtenir les pertes de points de vie effective ! Evidemment, le premier dont la santé atteint 0 peut aller se rhabiller au 14.

Afin de mieux illustrer, voici à quoi ressemble typiquement la fiche d’un ennemi :

Mettant en lumière le fait que tous vos adversaires disposeront d’une capacité spéciale, afin d’épicer les choses et d’éviter une trop grande monotonie dans le déroulé de vos rixes.

Le système en tant que tel est robuste, facilement accessible, Velasco a à cœur de nous confronter à une opposition souvent musclée ou particulièrement monstrueuse.

Certaines phases pourront par contre s’avérer « éreintantes » lorsque vous enchaînez combat sur combat, ou parfois longuettes : comme on peut s’y attendre, vos adversaires gagneront régulièrement en PV et en protection, ce qui peut donner des jets de dégâts peu impressionnants.

Votre œil infatigable, ami Lecteur, aura repéré une section « points d’expérience » et vous allez de fait en engranger, que ce soit en terrassant vos ennemis, en résolvant des quêtes (ce qui, en fin de compte, inclue presque systématiquement de rectifier quelque fâcheux personnage…) ou des occasions plus spéciales, la plupart du temps, ce sera un point à la fois.

En dépensant 8 points, vous pouvez augmenter une de vos stats majeures, en dépensant 2 points, vous pouvez booster votre Perception.

De manière « passive », vos points de vie de base augmenteront d’un point tous les 10 points d’expérience récoltés. Le tout procure cet habituel et gratifiant sentiment de montée en puissance, pour pouvoir continuer à rétamer les insensés s’opposant à la marche de votre glorieuse destinée !

Pour les classes magiques (alchimiste, sorcier, moine-chevalier) vous disposez de Points de Pouvoir pour lancer vos sortilèges, ces Points sont récupérés au taux de 1 pour chaque tranche de 4 points d’expérience glanés.

C’est assez peu, sachant que le premier sort que vous êtes susceptible d’obtenir est la Boule de Feu, coûtant 2 Points de Pouvoir pour être lancée et infligeant… 1D6+5 de dégâts (à condition de gagner votre assaut selon la règle habituelle).

C’est peu impressionnant et globalement, on peut estimer que le système de magie dans ce livre n’est pas très satisfaisant. Surtout que vous ne commencez avec aucun sort : il est alors tout à fait illogique que votre maître vous annonce qu’il n’a plus rien à vous apprendre, alors que vous ne connaissez pas le moindre petit charme, outre la possibilité de lancer des attaques magiques ne coûtant aucun Point de Pouvoir…

Sans demander un système bien rodé à la Sorcellerie!, cela entérine la place des métiers des arcanes comme une version pas si éloignée des classes profanes, réduisant d’autant leur eccéité.

Un estrio après l’autre

Le dernier point important concernant les règles s’articule autour des « camps de base », l’équivalent de points de sauvegarde dans les jeux vidéo.

Si jamais vous mourez, vous serez ramené à un paragraphe désigné comme camp de base, à moins que le texte ne vous permette de recommencer le combat fatal immédiatement. Quoi qu’il en soit, ces secondes chances ne seront pas gratuites : selon les occasions, vous perdrez tout ou partie de vos zaifas (la monnaie dans cet univers), vous subirez une blessure grave, vous devrez sacrifier une partie de vos objets, de votre équipement ou bien carrément un point d’expérience.

C’est un système que l’on voit se répandre plus fréquemment depuis la renaissance de la littérature interactive, ici poussé à l’extrême ; le fait d’inclure une pénalité est très sain.

(Pour l’anecdote, lorsque je fais vivre des LDVELH avec des amis, c’est une option que je retiens : à moins de vraiment mal se débrouiller ou de tomber sur un spécimen trop frustrant, il est plus ou moins acquis qu’au bout du compte, nous allons l’emporter. Selon les livres, recommencer depuis le début peut faire ressentir un côté très punitif, la méthode de Velasco codifie ce que nombre d’entre nous pratiquent sous forme de « triche ».)

Revenons-en maintenant à la structure de Heroes of Urowen. Le début pourra susciter quelques difficultés à accrocher au propos : deux paragraphes distincts selon que vous soyez dans une classe magique ou non, un pécule maigrelet, pas réellement de plan de route clair et aucune arme convenable à votre nom- vous partez de l’auberge avec un couteau émoussé (1D-3 de dégâts).

On comprend le besoin de conserver un socle de base, indépendant de vos choix durant la création de votre personnage (encore que- puisque l’auteur entend emprunter aux jeux vidéo, on peut, au hasard, penser au très bon Dragon Age : Origins, où vous bénéficiez d’un prologue spécifique à chaque classe) cependant, il semble relativement absurde qu’un sorcier ne puisse au moins avoir un bâton de combat, qu’un chasseur parte sans arc, ou qu’un guerrier ne possède pas une épée solide ou autre : comment alors est-il devenu guerrier, justement ?

Cela conduit à une sorte de phase tutoriel que vous pourriez esquiver, mais ce serait complètement à votre désavantage (bye bye une épée, votre premier sort et premiers points d’expérience).

Les choses sérieuses commencent à Verinfes, première ville-hub où vous pouvez effectuer une série de quêtes, censément dans l’ordre que vous désirez.

J’écris « censément » car, avec un autre aspect vidéoludique, les missions sont étiquetées de facile à très difficile (détail amusant : se rendre au marché est catégorisé comme facile… Sachant qu’il n’y a pas le moindre danger !).

Celle très difficile, et c’est indiqué par Velasco – qui montre d’ailleurs tout au long de son livre une véritable attention à l’expérience ludo-narrative, reprécisant les règles si besoin, effectuant des rappels, ne vous prenant jamais en traître – vous fera quitter Verinfes, quant aux autres, il semble couler de source que de les effectuer dans leur ordre croissant de difficulté.

Le but est d’accumuler, avec le moins de pertes possibles (en consommables ou pénalités de fausse-mort) des zaifas et des points d’expérience, afin d’augmenter ses stats et améliorer son équipement pour grimper une pente ascendante.

Si, dans la vie en général, il est plaisant d’avoir réussi une épreuve normalement hors de notre portée, si cela peut représenter un défi dans les jeux vidéo, dans un livre-jeu, ce n’est pas le même bouillon.

Dans un titre sur console ou PC, on mobilisera la compétence du joueur avec des éléments comme (selon les jeux, bien sûr) : build du personnage, équipement idoine, sélection des capacités passives/actives et des sorts le cas échéant, synergie entre les attaques, timing des assauts, esquive, parade, gestion de plusieurs types d’adversaires, exploitation des forces et des faiblesses, utilisation des objets au bon moment etc.

Dans ce LDVELH, on peut certes composer avec le build et l’équipement, mais (et ce n’est pas un reproche) ils ne peuvent guère aller que dans un seul sens, celui d’une amélioration linéaire.

Ce qu’on peut regretter, par contre, est le côté sur rails des situations proposées : pour un livre-jeu destiné aux adultes, Velasco ne nous plonge que dans des situations manichéennes (un mari éconduit ayant lancé une terrible malédiction sur sa femme…), neutres, ou bien sans que notre personnage ne pose de questions (« va récupérer un coffre dans cette grotte, tout le contenu est à toi, sauf la bouteille remplie d’un liquide noir »).

Le seul choix est de refuser (quêtes secondaires uniquement) – ce qui nous fait perdre du plaisir de lecture, de la durée de vie et des gains, donc le bilan n’est pas positif.

Là où je veux en venir, ami Lecteur, c’est que l’auteur ne nous fournit pas de possibilité de résoudre une quête de multiples manières, comme c’est pourtant souvent le cas dans un jeu de rôle ou un RPG au format vidéoludique : d’une part cela amoindrit le plaisir ludique, d’autre part il n’y a donc pas de moyens pour composer autrement avec une adversité au-delà de niveau global actuel.

Et puisqu’on ne peut pas compenser par un talent au combat manette ou souris en main, on reste sur de l’arithmétique pure et une bonne dose laissée au hasard.

Le reste de l’aventure ne s’embarrasse pas de ce système pour labeliser les quêtes, même si on tombera sur une autre ville-hub avec le même principe.

Faute d’illustrations intérieures, à part la carte et la feuille d’aventure, je ne peux que vous proposer ce cabochon improvisé.

Le voyage jusqu’à la cité des Amazones offre un nombre satisfaisant de rebondissements, dont une affliction dont il faudra se défaire, ainsi que de combats costauds le long du chemin.

On retrouvera après la même logique de chercher du meilleur équipement et résoudre des situations pour s’assurer au maximum de réussir la mission nous étant assignée, après quoi nous pourrons continuer avec un groupe armé de lutter pour Verinfes, ou choisir de se retirer de ces affaires de puissants.

Si vous poursuivez le combat, vous aurez le choix entre plusieurs missions ; un vrai choix puisque vous ne pourrez en effectuer qu’une seule.

(Ou bien outrepasserez-vous cette limitation pour tout vivre à la file).

Velasco propose même une option « ultra-difficile », réservée à ceux qui auront optimisé leur personnage, comme virée à effectuer à la suite d’une sorte de « new game + », ce qui m’amène à parler de la difficulté de Heroes of Urowen.

On nous propose 5 niveaux de difficulté, influant principalement sur la quantité d’expérience requise pour monter les attributs, ainsi que le nombre de zaifas obtenus. Ici, on touche à mon sens une autre limite de vouloir transposer des concepts typiquement issus du monde du jeu vidéo, pour les mêmes raisons déjà évoquées : le livre-jeu contient par essence beaucoup moins de variables sur lesquelles vous pouvez opérer et la chance, avec les jets d’attaque, reste un facteur important dans l’équation.

Une partie des lecteur-joueurs a déjà l’habitude de modifier les règles si celles-ci ne donnent pas satisfaction, quant à vouloir se rendre la vie plus difficile dans cette configuration, vu le peu de prise

A la Mort, on ne dit qu’une seule chose : pas aujourd’hui !

Vous pourriez raisonnablement penser, ami Lecteur, qu’après cet exposé, cela ne vaille pas tellement la peine de vous plonger dans Heroes of Urowen.

Comme d’habitude, dans mes critiques, j’essaye d’être complet et de décortiquer les aspects importants d’un livre-jeu. Ici, comprenez bien que le livre écrit par Velasco n’est certes pas une expérience ratée qu’il faudrait dédaigner.

On sent les deux années d’effort investis pour nous emmener dans son imaginaire et nous mettre à disposition un système de jeu qui fonctionne tout à fait bien, effectuant des jonctions souvent pertinentes avec le jeu de rôle, les romans de fantasy et le jeu vidéo.

Etant amateur des trois (bien que considérablement moins concernant le jeu de rôle papier) j’y ai été sensible. Bien que d’intérêt variable, les quêtes secondaires font montre d’un bon tempo et sont parfois prenantes, comme celle où il faut démanteler un néfaste culte à Verinfes.

On peut également louer l’auteur pour avoir inclus de nombreux dialogues avec une galerie assez copieuse de PNJ, tout en prodiguant des paragraphes eux-mêmes souvent généreux : le tome en compte 400 pour environ 330 pages, en excluant les règles.

Le côté linéaire, s’il est critiquable, a pour avantage une belle longévité, Velasco sait par ailleurs maintenir notre intérêt avec des scènes agréables à vivre et une surprise de temps à autre.

De plus, l’auteur espagnol sait utiliser des descriptions suffisantes pour nous dépeindre son univers qui est loin d’être creux.

Dans ce mélange néanmoins, l’aspect paraissant le moins réussi est celui du jeu de rôle, ne tenant pas la promesse inscrite en quatrième de couverture.

Race, nationalité et métier semblent généralement relever plus du cosmétique que d’une véritable caractérisation du personnage, : nous sommes ce golem protéiforme capable de tout accomplir, fréquemment rencontré dans les RPG de l’école occidentale (Skyrim, Starfield…), prisonnier d’une personnalité d’aventurier générique et sans côté monde ouvert.

De ce fait, les épreuves que nous remportons ne tiennent aucun compte de nos choix à la création du personnage, et pourtant il y aurait tellement matière à faire : un sorcier pourrait résister à l’envoûtement d’un autre magicien, un voleur pourrait bénéficier d’un avantage à un jeu de lancer de couteaux, un nain serait capable de mieux tenir la boisson que d’autres races, un ménestrel pourrait obtenir des informations par son bagout plutôt que par la violence, un voleur pourrait mettre au point une méthode plus subtile pour remplir votre mission que de se pointer nez à nez devant votre cible, si vous êtes de Verinfes, vous devriez être plus enclin à servir votre pays et ainsi de suite.

Fabled Lands rencontrait parfois le même problème, tout en proposant tout de même des paragraphes dédiés tenant compte de votre classe, il n’en est rien ici et à plusieurs instances, on sent que le texte s’adresse bien plus à un combattant éprouvé qu’à d’autres types de protagonistes.

Cette tendance à l’uniformisation nuit également à la rejouabilité : puisque l’aventure est tellement linéaire, y a-t-il vraiment une forte incitation à la revivre avec une autre classe ? Les principales différences viendront d’une partie de l’équipement et de vos capacités spéciales, ce qui ne va pas non plus

révolutionner votre manière de vivre les combats…

Lesquels seront à 95% contre les mêmes ennemis d’une partie à l’autre.

Quitte à nous emmener dans une aventure aussi linéaire, je pense honnêtement qu’il aurait mieux valu diminuer le nombre de classes disponibles (trois par exemple : guerrier, voleur, sorcier) et ne pas proposer plusieurs races si, au final, on pourrait incarner une méduse anthropomorphe sans que cela change quoi que ce soit aux réactions des PNJ.

Il n’y aurait même pas besoin de gonfler tellement le nombre de sections du livre : celui-ci en contient déjà énormément qui sont superficielles, puisque dédiées à nous indiquer quel est notre punition en cas d’échec à un combat, conséquences qui pourraient tout aussi bien être incluses dans le paragraphe où se déroule l’affrontement.

Naturellement, cela requiert plus de pages à écrire au global- un investissement nécessaire si l’on prétend instiller le meilleur du jeu de rôle dans son ouvrage.

Les soucis naissent ainsi également de la discordance entre ce qui nous est promis et ce que l’on obtient au bout du compte. Velasco est décrit (ou se décrit) comme un conteur de talent possédant une grande imagination ; sans préjuger de la qualité de ses romans de fantasy, le monde d’Urowen Tel qu’on le voit ici n’est pas d’une originalité folle (même s’il bénéficie d’un bestiaire bien fourni), que ce soit dans la représentation de ses habitants, ses nations, son panthéon (un dieu éminemment bon contre un dieu éminemment mauvais), ses institutions ou les thèmes développés.

Certes et pour exemple, on ne voit pas si fréquemment un reinaume d’Amazones tenir une grande place, toutefois ici leurs particularités sont reprises des mythes sans aller chercher très loin. On nous indique qu’elles haïssent les hommes, si on conçoit que certaines d’entre elles servent de guide à des convois marchands (il faut bien remplir les coffres !), ne peut-on pas imaginer qu’accéder à leur capitale nécessite un sauf-conduit spécial ?

Que, puisque des hommes servent des Matriarches, il existe une ville intermédiaire, une zone-tampon où ces mâles traiteraient d’affaires mercantiles sans qu’ils viennent dans leur reinaume en tant que tel ?

Heroes of Urowen fourmille en réalité de petites lacunes, de détails pouvant ou être améliorés, ou laisser perplexe.

Je pense notamment aux deux occasions nous étant données de prendre du bon temps : contrairement à une rencontre scénarisée comme on peut le voir dans Les tambours de Shamanka, ici on lance les dés une fois pour obtenir un bonus, puis encore une fois pour connaître le résultat de notre rapport intime, ce qui peut nous apporter des bonis, des malus ou carrément 2 points d’expérience si nous avons été phénoménal- soit deux fois plus qu’en terrassant un abominable fauve, autant pour le côté adulte.

Le tout a un aspect aseptisé et pas franchement intéressant.

Même chose pour les bagarres en taverne où l’on ne peut utiliser aucun objet, arme ou sortilège tout en conservant ses protections : c’est longuet et l’on ne peut évidemment pas ressentir l’impact des coups de poing comme dans The Witcher.

Je pourrai mentionner encore d’autres détails, mais je pense, ami Lecteur, que vous bénéficiez maintenant d’un bon tableau d’ensemble de ce que peut offrir Heroes of Urowen.

400 « Un périple sans fin ? »

C’est ce qu’écrit Velasco au dernier paragraphe, lorsqu’il s’adresse directement à nous en demandant de communiquer autant que possible autour de ce livre ; si une des qualités de toute grande œuvre (livre, film, série, jeu vidéo ou autre) est qu’on désire la vivre à nouveau, deux grands bémols s’y opposent ici : une linéarité trop prononcée et un manque criant de répercussions, autre que statistiques, de nos choix durant la création du personnage.

A titre personnel, j’ai peu eu l’impression d’incarner un sorcier et j’estime que mon expérience ne serait pas assez différente avec une autre classe, pour de toutes manières aboutir aux mêmes résultats.

Mon conseil, si vous êtes attiré par le principe d’une héros gagnant en stats et pouvant effectuer des quêtes dans l’ordre de votre choix, serait plutôt de vous orienter sur Secrets of Salamonis : certes on reste dans les règles de DF, mais maniées habilement, avec un protagoniste mieux campé et le style toujours efficace de Jackson.

Reste, avec Heroes of Urowen, une aventure copieuse au gameplay étudié, dans un monde de fantasy pas renversant mais suffisamment satisfaisant pour qu’on s’y attarde un brin, vivant avec ses PNJ et au rythme correctement soutenu.

A réserver néanmoins à ceux qui aiment particulièrement combattre de manière très régulière, car cela reste un des grands intérêts de ce tome !

Pour information, Velasco a continué à écrire de la littérature interactive, encore plus ambitieuse, au moment où ces lignes sont écrites, ces livres en espagnol n’ont pas bénéficié d’une traduction.

By Aronaar

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